Squarepusher - Hello Everything

Deux ans après un salvateur Ultravisitor, probablement son album le plus riche et touchant, l'anglais Tom Jenkinson inonde de nouveau nos oreilles de compositions electro-jazzo-breakbeat quasi religieuses, tel un Saint Père qui prend lui-même les commandes de l'orgue de son église. Analyse verset après verset de ce nouvel évangile, Hello Everything.

La Genèse

Squarepusher - Hello EverythingDix ans, c'est une bonne période pour faire un bilan, surtout pour un artiste électronique. Les modes passent plus vite que dans d'autres styles, le rock par exemple. Il y a ceux qui finissent par lasser, ou par se lasser (Orbital). Ceux qui prennent une pseudo-semi-retraite pour mieux se permettre de distiller de rares albums qu'ils souhaitent sans doute moins assumer (Aphex Twin). Ceux qui continuent de s'engouffrer toujours plus loin dans l'expérimental, à tort ou à raison (Autechre). Et puis, il y a ceux qu'on considérait comme les jeunots du coin, qui ont persévéré sans se prendre le chou et qui sont devenus des références presque messianiques (Amon Tobin). Squarepusher fait partie de ces derniers.

Sans jamais se reposer sur ses lauriers, Squarepusher a toujours su proposer des nouvelles mélodies agréables sans se répéter au fil des albums. Certes, il a connu des périodes moins fertiles (Do You Know Squarepusher où le seul morceau valable est la reprise fantomatique de Joy Division). Parfois, il se souvient que la Musique ce n'est pas simplement tourner des boutons pour distordre des sons, c'est aussi tâter de la corde et de la baguette. Avant d'être un producer, Tom est surtout un vrai jazzman, qui joue de la basse et de la batterie. C'est sur ce principe qu'il avait construit Ultravisitor : il s'enregistre jouer de la batterie en free-jazz, puis une petite mélodie à la gratte, et on termine ça avec quelques pyrotechnies aux machines. Le résultat est bluffant, Tom donne à une musique faite de 0 et 1 un coté organique et émouvant.

L'Apocalypse

Si on considère Ultravisitor comme le meilleur album depuis longtemps de Tom, c'est car il ressemble furieusement à un best-of composé uniquement d'inédits. Le bonhomme a eu ses humeurs : drill'n'bass ultra rapide, acid-jazz, breakcore, etc. La magie dans Ultravisitor c'est que toutes ses facettes sont présentes dans un album homogène et riche.

Loin d'avoir voulu faire un dernier melting-pot avant la retraite, Squarepusher continue sur cette lignée productive en proposant sa suite logique : Hello Everything. Même atmosphère et même variété, ce nouvel opus n'est pas une simple réédite mais propose bel et bien douze nouvelles pistes toutes fraiches et diablement bien foutues.

Ca commence avec « Hello meow », morceau au synthé mélodieux pas franchement déterminant mais plaisant à écouter. À vrai dire à la première écoute on a même un peu peur de s'ennuyer, heureusement la suite rassure. En effet, on passe ensuite sur « Theme from Sprite », petit bijou acoustique d'une légèreté somptueuse, Tom se laisse aller à la guitare sèche et à la batterie. L'énergie contenue de « Bubble Life » nous redonne l'envie de se bouger la croupe progressivement, mais pas encore assez pour se lever, même si on serre les lèvres quand Tom touche à sa basse. Sur « Planetarium », il se la joue Photek avec une drum'n'bass spatiale et imposante, l'esprit plane à travers ce voyage dans l'hyperespace auditif. « Vacuum Garden » est anecdotique puisqu'il s'agit simplement d'une seule note qui dure plus de six minutes. On appelle ça le Verbe de Dieu, je crois. Clin d'oeil à son prédécesseur sur Ultravisitor, « Circlewave 2 » est encore plus beau, la mélodie simple à la guitare sèche touche là où il faut. Le court « Cronecker King » sert de warm-up crescendo à « Rotate Electrolyte » et « Welcome to Europe », deux morceaux énergétiques, purement électroniques cette fois, mais bien travaillés, avec des passages bien classes. La dixième piste, « Plotinus », est un vrai highlight. Une montée diabolique et rythmée, de plus en plus haletante jusqu'à son final puissant et libérateur. L'album se termine sur « The Modern Bass Guitar », bidouillage breakcore un peu agressif mais pas méchant, et sur le long « Orient Orange », angoissante (dé)composition ambient-tribal.

Dix ans, Tom, que tu nous épates. Et avec ce beau Bonjour, on comprend que tu désires passer du stade de petit phénomène à celui de la postérité. En tout cas, chez l'inénarrable Warp, ils n'ont pas l'air de vouloir te lâcher. Nous non plus.

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