Zodiac de Neal Stephenson
La Science Fiction a parfois pris le parti écologique, quand il s'agit d'imaginer les futurs probables de notre planète. Et si c'est rarement pour décrire un eden, ce roman ne faillit pas à la tradition.
Sagamon Taylor dirige l'antenne locale d'un groupe écologique à Boston, où il se charge de mettre à mort par tous les moyens médiatiques les industries qui déversent sans scrupules leurs polluants. A bord de son Zodiac et armé d'un attirail de chimiste, il traque toutes les traces de produits toxiques jusqu'à leur source. Mais le voilà confronté à un adversaire puissant qui va être difficile ce coup-ci à abattre.
Malgré son écriture il y a presque vingt ans (et une publication en français beaucoup plus récente), Zodiac semble utiliser un sujet encore d'actualité en prenant pour cible la pollution, chimique principalement, pour son intrigue. Neal Stephenson est un habitué des univers cyberpunk plus exotiques, ce qui lui a valu un prix Hugo (considéré comme la plus haute distinction pour un roman de Science-Fiction) pour l'Age de diamant, qui se déroule dans un monde où les nations ont disparus au profit de larges communautés dispersées, dominées par la nanotechnologie et le retour en force d'adeptes de l'ère Victorienne. Il ancre dans le présent le récit de cette oeuvre, ou du moins ce qui s'en rapproche le plus.
Le récit à la première personne fonctionne bien dès le départ, on se retrouve rapidement complice du narrateur. On devient familier de son cadre de vie, un mélange de hippies en communauté dans un taudis, une organisation rappelant Greenpeace avec une influence autrement plus importante, et une description de Boston qui pourrait nous faire croire qu'on y a toujours habité.
Ce qui caractérise le discours est un ton extrêmement rythmé et avec beaucoup d'humour, comme s'il fallait se détacher de l'horreur ambiante d'empoisonnement prémédité qui court tout au long de l'intrigue. Il y a un coté irrévérencieux, culotté et malin du personnage qui est très bien amené pour ne pas paraître trop arrogant nottamment grâce à ce style d'écriture qui permet de s'identifier au héros. Il reste toutefois des éléments qui ne semblent pas forcément appropriés au sujet. Par exemple Sagamon Taylor est un farouche adversaire des pollueurs, mais utilise avec un tel naturel toute sortes de véhicules (le fameux Zodiac du titre en premier) loin d'être aussi inoffensifs pour l'environnement qu'il pourrait le prétendre. Et s'il ne cesse de répéter son réalisme face à ses excès et ceux de la société, son action écologique devient beaucoup plus radicale au fil du récit, sans qu'il change vraiment son comportement. On retrouve dans ce Sagamon Taylor les mêmes qualités d'une autre création haute en couleur comme Jack Barron et l'éternité, chef d'oeuvre de Norman Spinrad, qui fut justement le premier à désigner l'ensemble des auteurs cyberpunk "neuromantiques". Ce n'est pas une mince référence, et Stephenson s'en tire très bien.
Je me suis finalement retrouvé avec un livre qui se dévore en quelques heures, dont on ne peut s'en décoller avant de l'avoir fini. Les évènements de l'histoire s'enchaînent de façon fluide, et on se laisse facilement emporter jusqu'au bout. Toutefois je regrette que la conclusion soit un peu trop heureuse. Comme dans l'Age de diamant, cet éternel optimisme ne paraît pas toujours cohérent avec ces univers en pleine crise. Il ne s'agit pas de succomber à un effet de mode possible qui viendrait à suggérer qu'une bonne oeuvre se termine forcément mal, mais ici je trouve difficile de justifer une fin morale. John Brunner avait réalisé vingt ans auparavant dans Le troupeau aveugle, un tableau familier au cadre du roman de Stephenson. Mais l'ensemble laissait un tel point de vue négatif qu'il peut encore garder aujourd'hui son pouvoir de prise de conscience. Il reste à se poser la question de savoir si cette oeuvre de Stephenson peut-elle désormais être considérée comme de la Science-Fiction, que ce soit du genre particulier Cyberpunk ou non. J'aurais tendance à simplement le voir comme un thriller écologique, ce qui n'enlève en rien à ses qualités évidemment.
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