Vol 93 de Paul Greengrass
(United 93) Avec Lewis Alsamari, Khalid Abdalla... (2005)
Paul Greengrass aborde de façon quasi documentaire un épsode important du drame du 11 septembre. Un exercice qui peut être périlleux dans sa démarche et son résultat.
Avec un sujet aussi sensible et récent que le 11 Septembre, Vol 93 connaît une sortie plus discrète que la très attendue oeuvre de Oliver Stone. Que peut apporter ici le traitement documentaire du sujet face à celui plus romancé à venir ? Les leçons d'héroïsme ou l'établissement d'une morale sont des pièges à éviter avec un évènement comme celui-ci, Paul Greengrass avait pour obligation d'être conscient du danger.
Le film cherche à retracer précisément ce jour tristement célèbre, en suivant le drame du vol United Airlines 93, la révolte de ses passagers contre les terroristes ayant pris le contrôle de l'appareil et voulant viser la Maison Blanche. En parallèle on suit dans les aéroports américains les témoins extérieurs de la catastrophe qui se déroule. La volonté était de retranscrire les faits le plus fidèlement possible, sur la base de témoignages, rapports et conversations téléphoniques.
Dans les années '70 et '80, le cinéma américain se régalait de films catastrophes, dont la trame restait sensiblement la même, en débutant généralement par la présentation des personnages dans une routine quotidienne, voire dans un certain optimisme, ignorant des évènements à venir que le spectateur devine par des indices glissés dans certaines scènes. Finalement les crises apparaissent, les masques rassurants tombent et les sourires de façade laisse la place à la panique, pour finir dans l'explosion d'un avion, l'incendie d'une tour, ou le naufrage d'un paquebot. La réalité du 11 septembre va offrir le même scénario, comme un fantasme redouté qui prend vie.
Dès les premières minutes Greengrass suit ce modèle d'intrigue. Le situations alternent entre les terroristes, qui semblent soumis à une tension extrême avant leur passage à l'acte, et les salles de contrôle aérien, répétant les même rituels sans s'inquiéter trop vite d'un possible détournement quand un avion ne répond plus. Fait intéressant, jusqu'à l'embarquement, les passagers du fameux vol ne sont pas montrés. A part dans la salle d'attente, le film n'impose pas leur présence à l'écran, ils resteront de simples individus jusqu'au bout. Puis, cette "anonyme" journée s'enraye, lentement, pour finir en une véritable psychose collective. Alors que les aiguilleurs sont encore à hésiter, ils vont assister "en direct" à la deuxième attaque sur les tours du World Trade Center.A ce moment la crise s'empare des esprits, aucun des acteurs ne parvient à garder son calme. La situation dégénère dans l'hystérie qui, en commençant par les terroristes, contaminera tout le monde. Les passagers du vol 93 seront les derniers à prendre conscience de l'ampleur du drame, après un moment où ils sont comme coupés du monde. Une seule personne arrivera à canaliser cette hystérie, pour les conduire à la rébellion.
En gardant une prise de vue proche du documentaire, Paul Greengrass souhaite sans doute nous faire revivre ce jour comme s'il se déroulait en direct, avec un réalisme saisissant. La caméra à l'épaule fixe en gros plan les visages des protagonistes, passe de l'un à l'autre, en faisant comme s'il suivait du regard chaque surprise que pourrait avoir un reporter à ce moment. Les acteurs (l'absence de célébrités représente un avantage énorme à ne pas focaliser l'attention du public) arrivent pour la plupart à rester crédible dans des scènes où la surcharge d'émotions rendrait périlleux leur jeu. Je voudrais souligner la présence de Khalid Abdalla, dans le rôle du terroriste chargé de piloter, qui pourrait sur son jeu ici montrer bien des promesses pour l'avenir.
Sur l'ensemble le film respecte ses engagements d'exposer les faits. Un film affichant sa volonté de traiter un sujet fait se devrait de le faire dans un but précis. Que rechercherait alors Vol 93. Souvent invoqué, le facile "devoir de mémoire" me parait un faible argument. Le 11 septembre est encore suffisamment frais dans les esprits de ceux qui vont aller dans les salles de cinéma le voir, eussent-ils été très jeune il y a cinq ans. De même, sa réalisation documentaire ne me semblerait pas faite pour appuyer le regard du réalisateur sur cette journée et ses conséquences. Le style assez sobre réussit à répondre à une préoccupation importante, ne pas distraire le spectateur du drame qui se déroule. Avec cette insistance à porter son regard au plus près de l'action par ses gros plans sur les visages, à placer une caméra un peu trop remuante "entre les genoux" des passagers du vol 93, alors qu'elle semble observer les terroriste de plus loin, Paul Greengrass affirme en fait sa position. Il fait partie des victimes, il suit leur combat, non pas pour un idéal mais pour leur survie. Il les accompagnera jusque dans la cabine de pilotage, participera à leur fureur sanguinaire qui ne les éloignera pas autant moralement de ceux qu'ils combattent. On sent sa préférence, qui pourrait aussi être la nôtre, se diriger ves les passagers sans chercher à créer un acte héroïque de leur geste de désespoir.
Voici donc un film qui a été capable de nous exposer clairement ce qu'il voulait montrer, sans chercher à construire au delà de l'action décrite sa propre vérité, ou pire, une morale. On reste à la fin un témoin survivant qui va devoir tirer seul des leçons de ce drame s'il y en a. On peut être soulagé à l'arrivée d'avoir vu, malgré tout, un film, puisqu'il nous oblige à résoudre les questions qu'il nous pose ou qui nous viennent à l'esprit après sa vision.
Sortie en salles: 12 Juillet 2006
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